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Le fil d'Ariane
d'une pratique pédagogique
Lettre à un ami philosophe

Pédagogas ou le "Micromégas" de la pédagogie
"Micromégas" est le nom d'un conte philosophique de Voltaire que j'ai ici allègrement parodié. J'ai créé un personnage nommé "Pédagogas", débarquant de l'étoile "Bellatrix" sur la planète Terre (en Belgique) et qui s'étonne en observant notre système scolaire.
Mon cher ami philosophe,
Cette fois, je te parlerai du système éducatif de la planète que je visite depuis un certain temps. Il est en effet absolument intéressant et différent du nôtre.
Me croiras-tu si je te dis qu’ici tous les enfants (y compris des enfants à peine plus haut que dix pommes) ont accès à l’instruction ? Enfants de roi comme enfants de rien, tous ont non seulement accès, mais l’obligation d’aller à l’école dès l’âge de 6 ans.
Cela nous paraît incroyable à nous qui sommes habitués à un tout autre système. Il est clair que, chez nous, pas plus de 3% de la population est destiné à l’instruction ! Nos fils de « notables » ! Ici, rien de tel. Tous apprennent à lire, écrire et calculer… et bien plus encore.
Les situations d’apprentissage pratiquées sur cette planète paraissent pensées à l’opposé de notre fonctionnement. Les professeurs disent qu’ils « donnent cours » (selon leur propre expression), un peu comme si les savoirs et les compétences se « prenaient », à la manière dont on cueille une fleur des champs. Peut-être que ces êtres apprennent différemment de nous et qu’il leur suffit d’écouter pour tout apprendre.
Ce serait inimaginable chez nous, où nos têtes blondes et brunes sont sans cesse stimulées à construire leurs propres savoirs, en expérimentant, en explorant, en créant ou en débattant.
Lorsque j’ai aimablement expliqué nos méthodes, un enseignant m’a aussitôt interrompu en arguant du manque de temps et de moyens humains et financiers pour développer ce type de pédagogies. C’est ainsi qu’il m’a donné des informations étonnantes sur la logistique de ce système éducatif. Les cours représentent parfois jusqu’à 30 heures par semaine. Comme tu l’aurais fait toi-même à ma place, j’ai avancé que sur notre étoile Bellatrix, les élèves passent deux fois moins de temps dans les classes puisqu’ils exercent de nombreuses activités (telles que le sport, les travaux manuels, les ateliers de langues, de musique et les sorties diverses). Quant aux moyens humains, j’ai cru rêver lorsqu’il m’a annoncé le nombre de professeurs par enfant : cela fait le double de chez nous !
Je tiens également à te raconter une autre bizarrerie de ce système. J’essaierai d’être concis afin de ne point te perdre dans nombre de détails. Peux-tu imaginer qu’ils tronçonnent la journée en tranche de 50 minutes de « cours » et qu’à chaque « tronçon » correspondent un professeur, une discipline, un sujet d’étude, un local ? Détrompe-toi, les élèves - qui ont d’ailleurs étrangement tous le même âge - ne se mélangent pas : ils restent en groupe et changent seulement de local. Tu pourrais penser, comme je l’ai moi-même supposé premièrement, que les professeurs possèdent un local bien à eux et que tout le groupe d’élèves change de local puisqu’il change de cours. N’en crois rien ! Les professeurs également participent à ce tour de manège : à chaque heure de cours, ils changent de pièce. Cela doit être un vrai casse-tête pour l'organisation!
Pour nous, philosophes, il est extrêmement intéressant d’observer le découpage didactique détaillé par un certain « programme ». Il s’agit d’un document décrivant les compétences à atteindre par année et par discipline – il existe également une sombre histoire de « réseaux » dont les subtilités me dépassent complètement mais j’essaierai de creuser la question pour toi, mon ami, toujours si curieux de tout découvrir. Ainsi, l’histoire, les langues, la géographie, les mathématiques, la biologie, la physique, la chimie, les connaissances sont fractionnées, morcelées, chaque paquet étant soigneusement emballé à la manière d’un plat à emporter : prêt à consommer !
J’espère, très cher ami, que mes quelques témoignages ont pu t’interpeller et je me réjouis de recevoir ta réponse afin de continuer à développer nos questionnements.
Amitiés,
Pédagogas